Les Allobroges
Je te salue, ô terre hospitalière,
Où le malheur trouva protection ;
D'un peuple libre arborant la bannière
Je viens fêter la constitution,
Je t'ai quitté, berceau de mon enfance,
Pour m'abriter sous un climat plus doux ;
Mais au foyer j'ai laissé l'espérance,
En attendant, je m'arrête chez vous.
Allobroge Vaillants, dans vos vertes campagnes
Accordez-moi toujours asile et sûreté
Car j'aime à respirer l'air pur de vos montagnes Je suis la Liberté ! (bis)
Au cri d'appel des peuples en alarmes
J'ai répondu par un cri de réveil,
Sourds à ma voix, ces esclaves sans armes
Restèrent tous dans un profond sommeil.
Relève-toi Pologne héroïque ;
Car pour t'aider je m'avance à grands pas.
Secoue enfin ton sommeil léthargique,
Et je le veux, tu ne périras pas.
Allobroge Vaillants, dans vos vertes campagnes
Accordez-moi toujours asile et sûreté
Car j'aime à respirer l'air pur de vos montagnes Je suis la Liberté ! (bis)
Un mot d'espoir à la belle Italie ;
Courage à vous Lombards ! Je reviendrai.
Un mot d'amour au peuple de Hongrie !
Forte avec vous et je triompherai.
En attendant le jour de délivrance.
Priant les Dieux d'écarter leur courroux,
Pour faire luire un rayon d'espérance,
Bons Savoisiens, je resterai chez vous.
Allobroge Vaillants, dans vos vertes campagnes
Accordez-moi toujours asile et sûreté
Car j'aime à respirer l'air pur de vos montagnes Je suis la Liberté ! (bis)

Hymne du Sarto
Paroles et musique d'Ernest LUGUET
Compagnons, Compagnons !Tous en chœur chantons notre ritournelle !
Oui, Compagnons, oui, chantons, tous en chœur,
La Paix, l'Amour, la Liberté.
Compagnons, Compagnons !
Tous ensemble par la route nouvelle,
Oui, tous en chœur chantons, chantons tous,
Du Sarto, du Sarto, la fraternité.
Sabaudiae, Animus, Robur, Terrarum, Orbis.
Compagnons, Compagnons !
Tous en chœur chantons notre ritournelle !
Oui, Compagnons, oui, chantons, tous en chœur,
La Paix, l'Amour, la Liberté.
Compagnons, Compagnons !
Tous ensemble sur la route nouvelle,
Oui, tous en chœur chantons, chantons tous,
Du Sarto, du Sarto, la fraternité
Origine du chant "Les Allobroges"
« Les Allobroges », une musique entraînante
L'origine de la musique des Allobroges est obscure : aucune des publications anciennes ne porte le nom de son compositeur. Cependant l'auteur le plus probable de cette mélodie, même s'il n'a fait que reprendre et modifier un air populaire déjà connu, est un certain Giuseppe CONTERNO, Chef de Musique dans l'armée de Piémont-Sardaigne. Nous retiendrons donc le nom de Giuseppe CONTERNO, selon l'adage italien se non è vero, è ben trovato...
Rendons hommage au Chef de Musique CONTERNO, auteur méconnu de la mélodie des Allobroges. CONTERNO a eu la chance et le génie de composer une musique qui a su conquérir l'enthousiasme populaire. Peu de personnes connaissent l'intégralité des paroles de ce chant, mais ses accents sont si entraînants que d'innombrables auteurs en ont été inspirés pour ajouter des couplets de leur fantaisie à l'hymne savoisien. Incontestablement, c'est la musique qui fonde le succès de notre hymne national. Les Allobroges se placent ainsi au rang des principaux et plus anciens hymnes nationaux puisque son succès durable ne doit rien à une décision étatique mais tout à l'enthousiasme populaire qui ne s'est pas démenti jusqu'à nos jours. Il faut se replonger dans l'ambiance du Duché de Savoie de 1855, ambiance exaltée et enthousiaste, instable, changeante, agitée, tout à l'opposé de la représentation que l'on peut se faire des temps anciens supposés figés dans l'immobilisme et la tradition.
En 1854 et 1855, le Royaume de Piémont-Sardaigne faisait partie des Alliés (avec l'Angleterre et la France) qui s'engagèrent dans la Guerre de Crimée : le Piémont n'avait aucun intérêt sur la Mer Noire mais pour lui il s'agissait avant tout de participer au concert des grandes nations pour faire valoir ses revendications en Italie. Après deux ans de campagne, la victoire fut totale et la Russie contrainte de signer la paix au Congrès de Paris (30 mars 1856).
Les 15 000 hommes envoyés par le Piémont s'étaient couverts de gloire à la bataille de la Tchemaïa et lors des assauts contre le Mamelon-Vert dominant Sébastopol et contre la tour Malakoff.
En 1856 les bataillons regagnaient leurs régiments.
La Brigade d'Aoste (5e et 6e régiments d'infanterie) avait l'un de ses régiments en garnison à Annecy et l'autre à Chambéry.
La tradition rapporte que la musique du 5e Régiment, dirigée par le Chef CONTERNO reçoit son bataillon revenant de Crimée en grande cérémonie, aux sons d'un pas redoublé entraînant qui conquiert tout de suite la faveur populaire, la foule accompagnant la fanfare du régiment en fredonnant cet air sans paroles.
Giuseppe CONTERNO est né à Savone (sur la riviera ligure) en 1830. Il s'est engagé à l'âge de 13 ans, en 1843, comme tambour à la Brigade de Savoie (1er régiment). Il est nommé caporal de musique en 1853 puis, la même année, Chef de Musique du 6e Régiment de la Brigade II prendra sa retraite en 1872, à 42 ans, après 29 ans de services, et se fixera alors à Milan où il exercera la profession de Maître de Musique.
Les connaissances musicales de Giuseppe CONTERNO n'étaient pas très étendues mais il a eu le génie de trouver un air entraînant, populaire, un véritable "'tube" du 19e siècle.
Tous les dimanches une musique militaire donnait concert sur la Place Saint-Léger à Chambéry. Elle exécutait, en guise d'ouverture, la marche composée par CONTERNO, qu'il avait appelé La Prise de Sébastopol.
Un hymne libéral
Au printemps de 1856, la Savoie s'apprête à fêter le Statut Constitutionnel accordé en 1848 par le Roi Charles-Albert. La monarchie absolue était devenue monarchie constitutionnelle.
On demande à Joseph DESSAIX d'écrire des paroles sur la musique, alors très en vogue, de CONTERNO : Vous qui avez la langue des Dieux, écrivez notre chant national.
Partout les révolutions de 1848 ont été écrasées dans le sang d'une féroce répression par les régimes autoritaires, sauf en Suisse et en Savoie, deux États qui seuls surent prendre le virage démocratique que l'évolution des sociétés imposait.
La Suisse porte au pouvoir le radical genevois James FAZY, qui jette les bases institutionnelles de la Suisse d'aujourd’hui. En Savoie, le Roi Charles-Albert octroie le Statut, charte d'une monarchie constitutionnelle : c'est la Constitution évoquée au premier couplet, elle était fêtée chaque année en Savoie au mois de Mai. Le roi Victor-Emmanuel II, qui lui succède en 1849, mène avec l'aide de Cavour une politique libérale et volontiers anticléricale.
En France, la 2e République ne résiste pas aux ambitions de Louis-Napoléon Bonaparte, Président de la République, qui par un coup d'état se proclame Empereur sous le nom de Napoléon III. C'est l’Empire autoritaire et de nombreux libéraux doivent quitter la France. Victor Hugo trouve asile en Belgique puis à Guernesey, plusieurs autres en Savoie, le plus connu d'entre eux étant l'écrivain Eugène SUE, réfugié à Annecy-le-Vieux. Ces proscrits retrouvent en terre savoisienne des libéraux de plusieurs pays d'Europe.
Joseph DESSAIX, admirateur de la France, est profondément choqué par ces événements : dans ses couplets il présente la Liberté personnifiée comme proscrite, contrainte à demander l'asile aux Savoisiens et impatiente de revenir en France.
On sait bien qu'un régime libéral ou démocratique (à l'époque les deux mots sont à peu près équivalents) peut difficilement s'épanouir longtemps dans un ou deux pays encerclés par des régimes autoritaires ou tyranniques. Les allusions à d'autres pays européens, dans les couplets suivants, s'expliquent par cette constatation. Joseph DESSAIX appelle les peuples d'Europe à se libérer de leurs dictatures ; à défaut, la liberté serait menacée en Savoie même. La Pologne, la Hongrie et la Lombardie sont encouragées à reprendre le combat. Ces trois pays faisaient alors partie de l'empire austro-hongrois, pilier du conservatisme en Europe. La monarchie sarde devait évincer l'Autriche d'Italie pour réaliser l'unité italienne or elle venait de perdre contre l'Autriche une bataille décisive, celle de Novare (23 mars 1849) l'espoir de libérer la Lombardie du joug autrichien 'était momentanément anéanti.
Effervescence en Savoie
Le Chef CONT ERNO décide de faire chanter ses soldats musiciens à chacun de leurs concerts. L'impact des paroles de DESSAIX redoublant celui de la musique de CONTERNO, le succès de La Liberté ne fait que se confirmer. Le chant est entendu un peu partout, il est bientôt rebaptisé par DESSAIX La Savoisienne puis par les Savoisiens eux-mêmes, qui retiennent surtout le refrain, Les Allobroges.
Au cours d'une représentation théâtrale au théâtre de Chambéry, le 11 mai 1856, l'actrice parisienne Clarisse MIROY entonne l'hymne et obtient du public un accueil enthousiaste. Des représentations semblables sont données au théâtre d'Annecy.
Jules Philippe écrit dans Le Moniteur Savoisien du 20 mai : La Liberté, mot magique, espoir de l'opprimé, trésor de ceux qu'elle illumine. Aussi quel trépignement, quels cris, quel enthousiasme ce chant inspiré par elle n'a-t-il pas fait éclater ! Qui donc oserait dire que la Savoie n'est pas libérale ? En quelques jours, notre population n'a-t-elle pas protesté de son amour pour elle ?
Le dimanche 25 mai 1856 on donne à Chambéry une représentation de la pièce de DESSAIX Le Prisonnier de Chillon ou la Savoie au XVIe siècle. Le syndic de Chambéry, poussé par le parti conservateur, a interdit ce spectacle, mais l'interdiction a été levée par le Ministre de L'Intérieur RATTAZI. Lorsque DESSAIX, à l'entracte, paraît sur scène avec Clarisse MIROY, le public réclame d'entendre Les Allobroges. La même chose se reproduit bientôt au théâtre d'Annecy.
Le succès est immédiat : en quinze jours l'hymne se répand dans toute la Savoie. En moins d'un mois, on peut l'entendre de Modane à Thonon. Avec une sorte de fanatisme, on le chante, paraît-il, agenouillé sur les ponts-frontières de Saint-Genix, du Pont-de-Beauvoisin et de Seyssel. Les Français donnent la réplique en chantant La Marseillaise ou Le Chant du Départ.
Le Chant des Allobroges, pourtant marqué par l'âpreté des luttes idéologiques, résistera à l'épreuve du temps et sera repris jusqu'à nos jours par toutes les générations de Savoisiens, quelles que soient leurs opinions politiques. La puissance suggestive de sa musique en a fait un hymne national.
DESSAIX s'isole chez lui et écrit en une nuit ce chant qu'il intitule d'abord La Liberté. Joseph DESSAIX est né à Allinges (à côté de Thonon) le 7 mai 1817. Il est le neveu du Général qui commanda la célèbre Légion des Allobroges en 1792. De sa considérable activité littéraire et journalistique, on retiendra, outre ses pièces de théâtre et ses poèmes, les titres des journaux qu'il fonda et anima : Le Chat, La Nymphe des Eaux, La Ferme des Alpes, Le Léman. Joseph DESSAIX est encore l'auteur d'une Histoire de la Savoie racontée aux enfants et de La Savoie Historique et Pittoresque, ainsi que des notices de l'ouvrage Nice et Savoie paru après l'Annexion. Joseph DESSAIX est un journaliste et écrivain engagé, d'opinion libérale ou progressiste. Cet engagement lui vaut d'être honni du parti conservateur et catholique. Les mots qu'il choisit sont un hymne à la liberté et à l'amitié entre les Peuples, un hymne internationaliste donc, et non un hymne nationaliste. Voici le texte de Joseph DESSAIX (c'est la Liberté qui parle)